Au Bangladesh, les femmes sont devenues un maillon essentiel de la révolution

Juliette Gour 20 août 2024

Depuis quelques semaines, un vent de révolution souffle sur le Bangladesh et personne ne semble en parler. On va remédier à ça et vous expliquer comment les étudiantes bangladaises sont en train de changer la politique de leur pays.

Ça gronde à l'autre bout du monde. Si la trève Olympique a occulté les événements qui ont bousculé la planète ces dernières semaines, le temps ne s'est pourtant pas arrêté. Une actualité est d'ailleurs passé totalement sous nos radars, celui des manifestations étudantes au Bangladesh. On pourrait croire que ce n'est qu'un évènement isolé, dans un pays qui n'a que très peu de lien avec le notre, pourtant il n'en est rien. Plusieurs aspects peuvent d'ailleurs laisser entendre que cette révolte étudiante aura un impact sur le reste du monde. Outre le fait que le Bangladesh est l'usine fétiche de la fast fashion, ce qui importe ici, c'est que cette révolte estudiantine est en majorité leadée par les femmes, une première dans un pays comme le Bangladesh où la place de la femme n'est pas la même qu'en occident. 

Pour prendre toute la mesure de cette révolution, il faut revenir à sa genèse. Dans l'absolu, la place de la femme dans la société bangladaise a nettement changé en 40 ans. Le pays se situe même à la 8ème place mondiale des pays où l'écart des hommes et des femmes et le plus faible en terme d'autonomie politique. Cela est notamment lié au fait que c'est une femme à la tête du pays, depuis longtemps déjà. En quelques années, les femmes ont eu accès à de nouveaux droits et on a cessé d'abandonner les petites filles à la naissance (les garçons étant privilégiés car rapportant plus d'argent à la famille). Cependant, malgré les nettes améliorations - et l'importante place des femmes dans l'industrie textile - les efforts n'ont pas suffit. Les femmes souffrent encore d'une discrimination liée au genre et sont particulièrement impactées par le chômage ou le sous-emploi. 

On pourrait croire qu'une femme à la tête du pays - à savoir Sheikh Hasina - aurait pu changer l'histoire, mais la corruption étant légion dans la politique bangladaise, même les plus louables efforts ont été réduit à néant. Ce qui a d'ailleurs mis le feu aux poudres et enflammé les universités, c'est un projet de quotas dans les emplois publics. Le dispositif prévoyait d'allouer 10% des emplois aux femmes dans la fonction publique, mais pour les étudiantes, cette mesure - sous couvert d'égalité - aurait in fine désavantagé les femmes. 

C'est cette mesure qui a été le point de départ des manifestations violentes des étudiant.es.

Nusrat Tabassum, l'image d'une révolution féminine

C'est parce que les femmes étaient en opposition totale avec le gouvernement qu'elles sont descendues dans les rues. Une grande première pour le pays. Jamais il n'y avait eu un mouvement aussi virulent porté par les femmes. Un visage s'est d'ailleurs démarqué dans le flot des manifestatnes, celui de Nusrat Tabassum, devenue malgré elle le symbole de cette révolte. Étudiante à l'université de Dhaka, elle est l'une des coordinatrice du mouvement Students Against Discrimination Movement. Il fallait s'en douter, elle a rapidement été prise par les autorités avant d'être placée en garde à vue le 27 juillet dernier avec 5 autres manifestants. Elle n'a pu être libérée qu'après avoir été contrainte d'annoncer l'arrêt des manifestations contre la première ministre. 

Nasrat est - comme bien d'autres femmes - la figure de ce mouvement portée par un genre trop longtemps réduit au silence, dans un pays qui prend plaisir à exploiter les ouvrières pour que l'occident puisse s'habiller.

C'est d'ailleurs grâce à toutes ces jeunes femmes téméraires que la première ministre a fini par prendre la fuite, avant d'être visée par trois enquêtes pour "massacres" pendant ses différents mandats. Elle avait d'ailleurs demandé à l'armé de réprimer les manifestations dans le sang, ils ont heureusement refusés. Ce sont d'ailleurs ses mêmes soldats qui ont baissé les armes lorsqu'ils ont vu, en tête de cortège des manifestations, les femmes en première ligne. Si tout ne s'est évidemment pas fait dans la douceur et la médiation, le pire a pu être évité parsque certain ont su voir que la cheffe de l'État avait perdu le sens des réalités.

Reste maintenant à reconstruire la démocratie dans le pays. Sheikh Hasina ayant été destituée, elle est temporairement remplacée par Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix, qui a félicité l'initiative étudiante. Il a d'ailleurs déclaré à la presse que le pays était en train de vivre une vraie révolution "une révolution menée par les étudiants". 

Pourquoi l'implication des femmes est plus que symbolique ? 

On pourrait évidemment se dire qu'il n'y a pas de réelle différences à faire entre l'implication des femmes et des hommes dans ce mouvement révolutionnaire... Mais au Bangladesh, ça a son importance. Pays de manufacture, les femmes représentent 85% de la force ouvrière du pays, essentiellement dans l'industrie textile (selon Reporter Media Ecologie). Cette industrie représente 38 milliards de dollars et les salaires des ouvrières dépassent rarement les 100$. Certains avanceront le fait que l'installation de cette industrie de la mode à petit prix à permis à 20% de la population de sortir de l'extrême pauvreté, mais à quel prix ? 

Les conditions de travail sont toujours aussi déplorables et ce, malgré la catastrophe du Rana Plaza, qui avait coûté la vie à près de 1300 personnes en 2012 (en majorité des femmes), l'exploitation va bon train et avec une consommation toujours plus importante de la fast fashion par les pays occidentaux, les choses ne sont pas près de changer tant il y aura de l'argent en jeu

C'est pour cette raison que les femmes sont un maillon essentiel de ce qui se passe au Bangladesh aujourd'hui, parce que cette révolution et un changement dans la politique du pays pourrait (s'ils sont bien menés) amener un changement dans les conditions de travail des ouvrières. C'est une initative à saluer donc, mais qui ne semble pas préoccuper les madames Michu du monde occidental... Tout du moins tant qu'elles peuvent encore recevoir leurs commandes Shein sans encombres.

Mais un changement dans la situation des ouvrières pourrait également changer le visage de l'industrie de la fash fashion, obligée de réviser ses prix pour payer "dignement" les petites mains dans les usines. Le scénario le plus propable reste cependant la délocalisation de la production dans un autre pays, où les conditions de paiement restent avantageuses pour les mastodontes de la fashion... Affaire à suivre donc et bravo les bangladaises. 

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Tags : féminisme, Politique

Juliette Gour
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Amoureuse de la K-beauty, Juliette est également une experte en skincare, vous dévoilant les secrets des masques et des nouvelles routines beauté adoptées par vos stars préférées. Suivez cette passionnée polyglotte pour une aventure pleine de découvertes, de bien-être et de conseils avisés qui vous guideront vers une vie épanouissante et captivante. C'est grâce à sa licence en science du langage que Juliette manie comme personne les modes de pensées des différentes cultures, ce qui la pousse à voyager et à découvrir les diverses façons de penser qui enrichissent son approche du monde.

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